III ... Montargis, ou la hantise des anciens démons
Une petite heure après mon départ, je vis au loin un grand bonhomme, planté fièrement sur son destrier.
Alors que je me rapprochais, je pris ma longue-vue et l'observais. Mais oui, c'était bien lui. Seoman, ancien compagnon Templier. Cependant, son destrier l'emportant au loin, je fus obligé de prendre ma plume et de trouver un gobelin pour lui envoyer.
Après un coup de pied au derrière, l'immonde petite bête s'en alla, et me ramena rapidement une réponse.
Qu'il était étrange d'avoir de ses nouvelles comme ça !
Que de vieux souvenirs se ravivant, d'un coup d'un seul, mélangés aux réminiscences de mon père.
Je m'aperçus alors que j'arrivais enfin à démêler mes souvenirs de ses savoirs. Ce fut un grand soulagement, que de savoir pourquoi certains souvenirs étaient pour moi comme dénués d'émotions, de ressentis, comme inhumains. Ils n'étaient pas miens. Néanmoins, mes souvenirs d'avant mon long-sommeil n'était pas pour autant plus frais : ils restaient eux aussi comme atténués par un voile d'oubli, voile indéchirable dirait-on.
Malédiction ? Bénédiction ? Je ne saurais dire ! Il est trop tôt encore, je pense, pour vraiment le savoir. Ma vie commence à se remplir, j'ai de moins en moins de temps pour me pauser, penser, réfléchir, relire... Alors, les souvenirs commencent déjà à s'accumuler de nouveau, et le temps passe sans que les anciens me hantent.
Par contre, quand ces terres me lasseront de nouveau...
Toujours est-il que c'est ainsi que j'eus ma première, et seule actuellement, correspondance avec un membre des Templiers que j'ai côtoyés activement par le passé.
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image reproduite avec l'autorisation des ayant droits, comme toujours
L'Ordre des Templier était mourant, comme je le pensais bien. Petit pincement au cœur. En mon fort intérieur, Pingu se remémorait de sa fondation par, avec Bascréan. Vieux, vieux souvenirs.
Sur ce, n'ayant toujours aucun vilain digne de ma hache dans le coin, je fis demi-tour, direction une nouvelle auberge, non sans avoir auparavant missivé Galpatac pour l'avertir de mon nouveau point de chute ; et y arriva rapidement à dos de griffon.
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À peine le temps de m'installer à une table que le vieux gnome me rejoignit, une grande choppe à la main. Et grande en fut ma surprise :
" - Tu te mets à la bière mon oncle ?!
- Tss, Baldu, ne soit pas sot ! Je sais très bien que si je veux te parler, il me faut t'abreuver, sac à bière.
- C'est dingue ce que tu peux être gratifiant par moment !
- Bon alors, ce matin, quoi de neuf ?
- Un message ... Seoman ... un ancien Templier.
- Intéressant. Alors, que donne-t-il ?
- Le clan n'est plus que l'ombre de lui-même, à peine vivant, de ce qu'il en dit. C'est bien ce qu'il me semblait.
- Tu n'es pas tenté d'y retourner, histoire de le remettre un peu en vie ?
- Hum ... non ... Le clan se meurt, au fond, ça clôt un débat en moi. Les Templiers appartiennent à une époque passée et peut-être révolue. Et de toute façon, moi, l'Alliance ! Quand je vois, me souviens, de ce qu'a vécu mon père. Quand vois ce que ça donne maintenant !
- Parce que tu ferais mieux ? Hum ! Ne soit pas si prompt à juger, que ce soit les autres, ou surtout, que ce soit ton cas... Tu n'as pas encore fini ton
réveil ...
- Hum, je ne sais pas ce que tu veux entendre par là. Je suis plus habille que jamais à la hache, et n'ai jamais été si sûr de moi sur le champ de bataille !
- Parce que peut-être le champ de bataille n'est pas celui que tu crois. Il est aisé de tenir une hache, beaucoup moins de vaincre ses anciens démons...
- Raah ! Mon oncle, tu pars encore dans tes considérations mystiques ! Je ne suis pas mon père, sur ce point-là. Ne l'oublie pas !
- Oh ! Non ! Ça ne risque pas !"
La suite de la discussion fut sans grand intérêt pour notre histoire, mise à part la dégustation d'un cuisseau de Tauren cuit à point. Je ne saurais que vous conseiller cette étape. Bon, la bière, passable.
Le lendemain, je partais de nouveau en quête d'aventure. Dès la sortie de la taverne, j'aperçus droit au nord un humain cueillant tranquillement des fleurs. Prenant ma longue vue, je pus compter son nombre d'épaulettes : Treize. Un grade treizième. Oserais-je ? Quatre grades de moins que mes dix-sept, l'affaire manque de dignité et de péril. Son blason m'indiquait qu'il était membre des [Heros]. Ah ! Un clan Allianceux à ce qu'il parait ! M'approchant un peu plus, je pus lire son nom, sous son blason (drôle de coutume, chère à ces lieux ...) : Baltazar.
Hé hé hé. Je venais d'achever sa douce et tendre il y a peu.
Je pris ma décision : en avant pour les exploits matrimoniaux !
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Je pris fermement ma hache dans une main, mon pavois dans une autre et partis à l'assaut du pauvre hère, qui ne se doutait pas de ce qui lui arrivait dessus.
Spirit of St Pingu chargea le bougre, qui n'en fut pas déstabilisé pour autant, et j'abattais ensuite mon bras d'une terrible colère. Mais Baltazar n'appris pas ce jour là pourquoi mon nom sera un jour l'Éternel. Bien au contraire. Alors que je l'avais blessé assez sévèrement tout de même, je me retrouvais littéralement à bout de souffle, honteusement à court d'énergie et envoya un dernier coup de hache complètement de travers. Emporté par le mouvement, je suivis la trajectoire de mon arme, me ramassant lamentablement aux pieds de l'homme. Celui-ci, quelque peu sonné tout de même, s'empressa de partir pour l'auberge la plus proche. Il me laissa donc le temps de sauter maladroitement sur ma monture, et de repartir fissa, tête baissée, allongé en travers de la selle, trimballé comme un vulgaire sac à patate, vers l'auberge où je comptais me cacher pour la journée. Nulle envie de voir un sourire railleur pour cette journée.
À peine arrivé à l'auberge, alors que je donnais dessellais le griffon, un gobelin vint me voir : " - Grosse barbe ! Missive !
- Grosse barbe ? **BLAM**"
Une fois le gobelin à sa place - c'est-à-dire encastré dans l'arbuste voisin - j'ouvrais la-dite missive. Baltazar me demandait de ne pas l'achever. Mais j'avais raté, il avait été trop résistant pour moi. Non, je ne l'achèverai pas. Et j'avais bien plus important à régler pour le moment...
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La reconnaissance d'un Allianceux ! Peuh ! Je me trouvais bien embarrassé par ce drôle de trophée de guerre, après ce drôle d'exploit !
Je me traînais humblement vers la table où était assis Galpatac : " - Ho ho ho ! Mauvaise mine !
- Oh ! Ça va ! Mon oncle !
- Hé bien ! Charmant ! Que t'es-t-il arrivé ?
- Hum ! J'ai voulu attaquer un humain, celui qui m'a é...
- Un humain ?! Ah bien ! Donc, l'Alliance pour toi c'est définitivement derrière ?
- Attends ! J'ai pas fini ... J'me suis lamentablement raté ! Rah, ça faisait longtemps que je n'ava...
- Raté ? Ah, tiens donc. Pourquoi ? Ha ha ! Le grand guerrier à la hache !
- J't'en foutrais des haches moi ! Arrête donc un peu tes traits d'esprits ! Je ne sais pas pourquoi je l'ai raté ! Si. Bon, il devait être trop costaud pour moi. Mais à ce point là ! Non, il y a eu autre chose. Quelque chose qui m'a dérangé pendant l'attaque... Mais je ne sais pas quoi, et je trouve que ça pue grave du c...
- Hola ! Baldu ! Ne soit pas vulgaire, s'il te plait ! Quelque chose qui a retenu ton bras ? La Foi ? Non ? Ne serait-ce pas ta Foi en l'Alliance ?
- L'Alliance ? Mais qu'est-ce que tu veux que j'en foute ? Pour qui veux-tu que je me batte ? Y a bien les HirDeors, mais l'histoire est trop vieille, leur clan est trop grand. Je n'ai jamais aimé les grandes machines de Guerres ... même si l'Alliance leur doit tant, en ce moment... La Moria ? L'ombre de ce qu'elle fut, un fantôme du passé qui aurait dû tourner la page, comme beaucoup d'autres. Peut-être se relèvera-t-elle, mais sans moi. De toute façon, Arrak y sévit déjà, et j'ai bien peur qu'elle et moi soyons incompatibles ... les [heroes] à la limite. Mais je ne les connais pas. Je ne vois rien d'autre.
- Hum, très restrictif comme vision.
- Pourquoi ? C'est mal ?
- C'est dommage ... Est-ce que je peux lire ta missive ?
- Si ça t'amuse ..."
Le gnome lit pensivement, puis avec un sourire taquin, me demande :
" - Alors ... que vas-tu faire ? Comptes-tu l'achever ?
- Je ne sais pas pourquoi, mais non... Non, il a mérité de vivre.
- Pourquoi ?
- Portes ouvertes, toussa, mon oncle ... Et bien parce qu'il a été plus valeureux que moi sur ce coup là, non ?
- Oui, certes. Maintenant, il eut été Troll, ou, pis encore, Tauren, que se serait-il passé ?
- Hum ... Tu sais que tu me fatigues avec tes questions ?
- C'est qu'elles sont bonnes alors. Donc ?
- Hé bien ... J'imagine que j'aurais attendu comme demandé, et que je l'aurais découpé en tranche ensuite. Satisfait ?
- Je conclue ?
- Non, sans façon, ça ira !"
Je me plongeais alors dans mes pensées ... pourquoi ce sentiment qui me gagnait peu à peu ?
Pourquoi cette flamme qui se rallumait ?
Rah ! Mais je m'étais promis !
" - Je crois que tu as gagné... Oui, j'ai bien l'impression que la Foi m'habite encore... Mais je ne saurais dire pourquoi, il y a un quelque chose que je ne reconnais pas. Et une intensité qui n'est plus la même.
- Ce quelque chose, Baldurim, c'est l'âge, l'expérience, la vieillesse. Es-tu prêt à partir, tel un preux chevalier, défendre corps et âme l'Alliance ? Est-ce que tu te vois crier haut les couleurs de ses peuples, prendre la tête d'une armée ?
- Non, absolument pas... Mais alors, pourquoi cette Foi ?
- Ça, c'est à toi de le découvrir... rendez vous dans mon pays, Baldurim ! Car c'est là que se trouvent quasiment toutes tes réponses !"
Il me laissa là, à patauger dans mes pensées. Je ne savais pas encore combien il avait raison, ni comment j'allais y arriver.
L'histoire est parfois tellement habillée de sa grande robe "coïncidence" qu'elle en devient évidence...
"Le hasard n'existe pas !" me disait mon Père...
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hrp : L'histoire étant raconté après coup, il n'y a pas de raison qu'il y ai un autre narrateur. Bref, tout ça pour dire, merci de ne pas poster à la suite (au pire, faites moi l'immense privilège pour mon égo en manque de sur-dimension d'un topic de commentaire
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