Azriel évaluait du regard l'espace entre le charmant Drow et son voisin, et se persuada vite que cet espace orphelin ne pouvait être comblé que par lui. Le Drow affichait une moue boudeuse des plus attendrissantes, et Azriel se sentit soudain d'humeur consolatrice... Il fit un pas dans sa direction, son plus doux sourire sur les lèvres, quand une voix inconnue, mais agréable, l'interpella. Azriel avait entendu un nouvel arrivant s'exprimer, mais n'avait pas prêté attention à celui-ci, étant plongé dans la contemplation d'un adorable visage renfrogné...
Il se retourna, et découvrit ce qui ressemblait à un elfe, à peu près autant qu'une épée de métal ressemble à un sabre de bois. Au premier abord, l'inconnu n'aurait pas eu de lui plus qu'un regard distrait, voire deux en cas d'extrême solitude... Mais le pli ironique de son sourire (montrant des dents curieusement pointues, pour un elfe) et certaine lueur dans son regard révélaient un esprit non seulement affûté, mais aussi à l'affût de la moindre faille... Les paroles de l'elfe achevèrent de fasciner Azriel, qui lui sourit suavement, et s'approcha lentement, prenant son temps pour l'examiner, le détailler, pour parvenir à la conclusion que si l'enveloppe correspondait à l'esprit, cet être devait être un dieu incarné... "Que le monde est injuste", songea-t-il avec un soupir, puis répondit enfin:
Bien que d'après une de mes chères amies, le sang exalte la beauté naturelle de la peau humaine, je trouve cet ingrédient trop pénible à obtenir, et ma peau trop parfaite, pour y avoir recours... C'est donc au détriment de ma pauvre modestie que nous devons envisager l'autre solution dont vous daignez m'honorer... Bien que j'ignore sur quels éléments vous vous basez pour parvenir à vos conclusions. Termina-t-il avec un sourire taquin.
Mais j'y suis d'autant plus sensible, reprit-il avec un regard plus intense, que le délicat raffinement de votre verbe m'a, je dois l'avouer, littéralement envoûté, et me convainc que le velours de votre voix enveloppe un esprit on ne peut plus fin...
S'inclinant gracieusement devant son interlocuteur, qui rattrapait en éloquence ce qu'il cédait en élégance, Azriel plongea son regard bicolore dans celui, étonnament profond, de l'elfe.
C'est pourquoi moi, Azriel, suis profondément honoré d'avoir éveillé votre attention, ne serait-elle qu'une part infime de la curiosité que vous avez fait naître en moi...
Quand à votre noble ami, reprit Azriel en jetant un oeil au Prince Noir avec un sourire faussement désolé, je crains que trop de raffinement et de politesse ne l'indisposent, ce qui, je crois, est cause de cette sombre humeur où vous le voyez...
Entendant les paroles que le Prince Noir adressa à l'elfe, Azriel ne put se retenir de pouffer.
Je constate que la gracieuse verve de ce fascinant personnage est contagieuse, et que même vous êtes sensible au charme pénétrant de ces vers si mélodieux... lança-t-il au ténébreux Prince en riant. Je ne peux que vous applaudir pour cet effort, qui montre que tout espoir de vous raffiner un peu n'est pas perdu, et vous félicite de l'amitié qui vous pousse à donner de si avisés conseils à qui en a tellement besoin...
Azriel salua ironiquement le Prince d'un geste large, puis pivota vers l'elfe.
Puis-je vous offrir un rafraîchissement, et en profiter pour lier connaissance avec vous à cette table si accueillante? Et ainsi, priver cette jeune créature, il désigna l'elfette assise au bar, de vos piquantes attentions... Veuillez juste m'excuser un instant...
Azriel se pencha vers la guerrière blonde, aux yeux maintenant menaçants, lui prit la main et la baisa, tout en lui murmurant à l'oreille:
Ma Dame, quelle vilaine utilisation pour de si jolies et douces mains... et vos yeux sont tellement plus dangereux quand ils s'adoucissent, piège mortel pour un coeur en maraude... Je ne peux vous laisser aller à une laide colère, c'est un crime et un péché quand on est si belle, je m'en voudrais toute ma vie...
_________________ En vous voyant, j'ai trouvé la plus belle fleur du Jardin des Délices... Et le plus beau fruit...
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