Entre chien et loup, Curwen arriva en vue de la taverne où elle avait ses habitudes. Elle avait rendez-vous plus tard dans la soirée avec celui à qui elle avait offert son cœur.
Elle mit pied à terre et se dirigea vers la porte en laissant trainer ses doigts dans le pelage de Silmëlor. Le tigre argenté lissa sa moustache sur la hanche de l'Elfe puis sauta sans bruit sur le toit de l'appenti le plus proche. Il allait sans doute rejoindre la fenêtre de la chambre de Curwen, sous laquelle il s'était approprié quelques tuiles chauffées par les derniers rayons du soleil.
L'Elfe salua la compagnie et commanda une bière. Notant le présentoir sur le bord du comptoir, Chic, le nouveau numéro de la gazette vient de sortir
, elle se saisit d'un exemplaire et se dirigea vers sa table favorite.
S'attaquant à la lecture de ce copieux numéro, elle sirotait sa bière, rousse bien sûr, tranquillement. Quelle ne fut sa surprise lorsqu'elle tomba sur le poëme de Mikäu. Ces vers la troublèrent profondément, car elle avait développé de l'affection pour ce Tauren si particulier et qu'ils faisaient écho à d'autres compositions de lui qui prirent alors un nouveau sens.
Un long moment de méditation passa.
Curwen sortit alors son nécessaire à écrire de sa besace et laissa jaillir sur le papier ce sonnet :
Mikäu, tendre tauren aux vers si doux et clairs,
Que n'ai-je su lire dans tes yeux, dans ton âme,
Les tourments qu'ont causés mes conduites infâmes,
Impatientes amours, délice où je me perds.
Mon cœur apprivoisé ne peut souffrir tes larmes
Ni délaisser celui qui a su le dompter.
Aveugles, mes yeux ont ignoré ton charme,
Tes mots silencieux qu'ici je vois contés.
Trouble de la raison qu'il faut enfin résoudre
Et pourtant je ne puis vous laisser en découdre
Car je vous ai trouvés en sincère amitié.
Devrais-je la briser, vous faisant ennemis,
Ou bien me retirer et chercher un répit ?
Je ne saurais aimer un peu ni à moitié.