8. Mauvaise Passe.
…Elfinor se maudit intérieurement de n’avoir pu sauver leur forteresse, mais il savait aussi qu’il avait tout tenté et qu’ils devaient maintenant rebondir pour frapper plus fort. L’Alliance leur offrit cette possibilité : ils allaient toucher le cœur de la Horde, détruire le château des NORNS. Ils furent donc partie de la mission Crypte Tonique.
… Le rassemblement ne fut pas long, les Sylvains avaient la rage de vaincre, ils voulaient faire payer les soudards de la Horde de leurs atrocités commises dans leur Forêt. Le clan au complet se déplaça et assiégea la citadelle ennemie. Plus de 400 Allianceux faisaient face à la bâtisse, mais les défenseurs étaient sur les remparts, les attendant aux cotés de nombreux autres clans… Il y avait eu des fuites et cela pourrait rendre cette mission fatale.
…Elfinor entra dans la bataille dans les premiers, comme à son habitude. Touché à plusieurs reprises, il dut se résigner à se faire soigner. Il donnait plus de coups qu’il n’en recevait, mais ils étaient suffisamment précis pour qu’il ne puisse plus se battre correctement. Il fit de nombreux allers-retours afin de pouvoir continuer le siège. Il n’avait personne avec lui pour une fois, la violence des combats empêchaient les assaillants de rester grouper, cela ne le gênait pas plus que ca, mais il sentait qu’il fatiguait plus vite. Ses cotés, étant moins protégés, portaient de multiples blessures et entailles de diverses tailles. Sa volonté n’entravait aucunement ses mouvements, par contre, les plaies qu’il avait le perturbait bien plus.
…Pendant trois jours, l’Alliance attaqua avec férocité la demeure des NORNS. La forteresse tenait bon, les résistants combattaient avec vigueur et ne laissaient que peu d’espace à leurs ennemis. Le quatrième jour, les généraux Allianceux demandèrent à leurs forces de faire une pause au nord de la zone.
…Un jour de plus suffit à tous pour se remettre dans le coup et le lendemain, la bataille reprit de plus belle, mais cette fois-ci, la cible était le château des KO. Les combats furent tout aussi rudes et âpres. Seulement cette fois-ci, la volonté de l’Alliance balaya la résistance Hordeuse. La vague d’elfes, de nains, d’humains et de gnomes continua son chemin vers l’objectif principal : la citadelle NORNS.
…Le premier assaut fut dévastateur, puis l’élan se perdit. Une nouvelle fois, les assaillants pataugèrent devant les portes de la forteresse pendant trois jours, en tentant le maximum afin d’en faire tomber les murailles. Il était devenu très dur se battre sur les remparts, ils étaient abimés et complètement ravagés par les multiples attaques, et la densité des combattants empêchait les mouvements trop amples.
…A l’aube du quatrième jour, les généraux se réunirent une nouvelle fois. Mais ce conseil était le dernier de cette guerre, certains clans devaient revenir chez eux, car une armée avançait vers la Fraternité du Phénix. La Sylve, n’en faisant pas partie, resta un jour de plus puis du partir à son tour afin d’ éviter de perdre trop de membres.
…Elfinor n’avait pas brillé lors de ces combats. Il s’en voulait. Certes, il avait une nouvelle fois celui qui avait le plus tué parmi les Sylvains, mais bien peu par rapport a ce qu’il espérait. Son désir de vengeance n’était qu’à moitié assouvi. Il aurait tant aimé et voulu faire payer à ses agresseurs toutes les atrocités commises pendant le siège de leur château. Mais il avait eu bien peu d’occasions pour le faire. Seulement huit taurens ou undeads figuraient dans les victimes récentes de cette guerre. Il avait voulu en découdre trop vite, sa haine avait dirigé ses mouvements et il n’avait plus maîtrisé son corps pendant quelques heures. De nouveau, son épée l’avait manipulé et l’avait transformé…
…Au retour dans leur Forêt, déception et frustration régnaient sur le campement elfique. Elfinor se concerta avec les autres dirigeants et ils conclurent qu’un quartier libre ferait du bien à tous. Cela fut approuvé par les habitants Sylvestres. Certains partirent donc se mettre en chasse de monstres, d’autres se lancèrent dans des quêtes et les derniers agirent à leur guise.
…L’Ange Gardien Sylvain réfléchit un instant, puis s’adressa au clan, profitant du fait qu’il soit encore ensemble. Il fit un bref discours : « Mes frères, Vous savez combien ces derniers temps ont été difficiles pour tous, nous avons perdu notre demeure et, … on ne peut pas dire que cette opération ait été un franc succès. Je le regrette, car nous sommes capables de faire bien plus. Puisque moi aussi, je n’ai pas été à mon niveau, j’ai décidé de prendre du recul par rapport à ce que j’aurais du faire et surtout, ce que je dois faire. Mon rôle était pour le moment de vous protéger. Certes, j’ai donné tout ce que je pouvais pour le faire, mais j’ai échoué. Je vais donc m’en aller pendant quelques mois dans le nord du Lorndor, afin de trouver des réponses à mes questions. Si certains veulent me suivre, je ne les dissuaderais pas, mais je préfèrerais être seul. Cette remise en question ne déteint aucunement sur mon engagement envers la Sylve. Je reviendrais, soyez-en sûrs et je serais déterminé plus que jamais. Ce voyage n’a pour but d’être voué à l’échec, il ne peut en sortir que du positif. Je vous souhaite donc une bonne continuation. Je fais cela pour une bonne cause : la notre. A mon retour, nous frapperons fort et juste. Nous éliminerons la vermine qui infeste nos contrées. Ne craignez personne. Au revoir mes frères… » …Il prit le temps d’étreindre quelques uns de ses compagnons, puis passa par sa hutte. Il regroupa ses affaires dans un sac, décrocha la boucle qui maintenait sa cape, ainsi que tous les gallons qui montraient son appartenance à la Sylve. Il rangea le tout dans un coffre, enfila son capuchon doré, prit son sac et sortit. Il jeta un dernier coup d’œil au village, des elfes le fixaient, il leur sourit, puis il s’élança dans la Forêt. ***
…Il était seul, ne portant pas les couleurs de son clan, et ne se déplaçait que dans un unique but : se vider l’esprit. Ces derniers temps, Elfinor n’était plus l’assassin efficace, que l’on vantait chez les Sylvains. C’est ainsi qu’il décida de quitter les siens pendant un temps, il partit dans les lointaines contrées proches du royaume des Morts-Vivants. Refusant l’aide de quiconque, il chassa et tua sans pitié, sa férocité était telle, qu’il frappait encore certaines de ses victimes bien après leur mort. L’acharnement au combat lui valait quelques blessures, plus ou moins graves, mais qu’il ne soignait pas forcément, il gardait donc d’affreuses cicatrices. Il ne prenait pas soin de son corps, et celui-ci le faisait de plus en plus souffrir, la douleur était parfois insoutenable, mais il devait survivre dans ce milieu hostile. Pourtant, il continuait de se battre. Certains tentaient de profiter de sa faiblesse pour le tuer, mais ce ne fut pas le cas et ils ne purent regretter leur erreur que trop tard. Elfinor s’abreuvait littéralement du sang qu’il faisait couler, la haine qu’il avait en lui devait sortir, c’était le seul moyen pour lui de l’évacuer, se battre et tuer…
…Sa lame, Ilundil, brillait d’un doré intense. La déesse qui possédait l’arme prenait part à ce festin et la forme physique du Sylvain relevait plus de l’androgynie que d’un véritable elfe. La métamorphose se révélait flagrante au fur et à mesure que ce chemin de croix avançait. Se purifier de la sorte l’animait d’une façon surnaturelle, bien peu de gens étaient capables de le tuer dans ces instants de folie. Pourtant vivre sous cette forme était épuisant, l’esprit qui le détenait, drainait une grande partie de son énergie, son visage se ridait comme s’il vieillissait à vue d’œil. Le précédent possesseur avait perdu la vie de cette manière, il avait voulu garder cette forme trop longtemps. Elfinor testait ses limites et voulait connaître jusqu’où il était dépendant de son arme, il savait que celle-ci s’alimentait de la haine du porteur et ne pouvait donner cette force que si elle était le parasite de l'escrimeur. L’elfe en avait pleinement conscience, mais Ilundil était une lame exceptionnelle, et il ne pouvait l’abandonner. C’était à lui de savoir gérer les besoins de son épée. En plus, elle semblait forgée pour lui. Quand on la lui avait donné, la garde lui semblait trop grande, puis à son contact, il se rendit compte qu’elle était d’une taille parfaite, ses mains avaient juste la place de se poser dessus. Le pommeau s’était alors illuminé, le contact avec un nouveau compagnon l’avait réveillé de son profond sommeil.
…Cette phase qu’il s’infligeait arrivait suite à une période qui lui avait été dure. Cette guerre à la Crypte l’avait rongé de l’intérieur, il avait eu du mal à s’exprimer et à montrer ses capacités de guerrier et d’assassin sans pitié. Sa renommée lui avait valu des blessures, dont il se serait bien passé, certaines lui avaient laissé des marques profondes sur sa peau, mais d’autres le torturaient dans sa tête. Voilà ce qu’il devait guérir : son moral. Et la encore, ce ne se serait pas facile, mais il devait se reprendre. Tout un clan croyait en lui, et même plus.
…Ce voyage aux portes du royaume des Morts-Vivants lui semblait être approprié, il n’était jamais allé aussi loin dans ces lointaines terres. Il n’avait jamais aimé cette race de créatures, revenues en ce monde par des sortilèges noirs et ténébreux. Il voulait en savoir plus sur eux, connaître leurs forces et faiblesses, trouver le moyen le plus rapide de les éliminer ou encore, voir une cérémonie de régénération. Cette communauté avait toujours été discrète sur ses mœurs et le fait de ne pas être au courant de ce qu’ils pouvaient faire, effrayait Elfinor. Il avait été impressionné par les Undeads, dès qu’il en vit à sa sortie de l’Académie. Ces squelettes marchaient, bougeaient, attaquaient comme des humains ou des elfes, malgré un style plus violent et saccadé. Ils dégageaient une impression de puissance dès qu’ils tenaient une arme, beaucoup d’entre eux portaient une épée, une lame de plus d’un mètre de long qui se tient à deux mains. Peu de personnes auraient pu la soulever, mais eux étaient dotés d’une force naturelle. Ils n’étaient pas des êtres normalement constitués, car ils naissaient et mouraient dans le même état, leur vie ne tenait qu’à la magie et sans elle, ils ne pouvaient pas être créés. C’était certainement à cause d’elle qu’ils arboraient sans cesse un halo fluorescent autour d’eux. La couleur dépendait de l’âge, de l’âme ou encore des volontés du Mort-Vivant. Elfinor en avait traversé avec son épée ou à main nue, mais il n’avait rien ressenti, aucune douleur, aucune sensation, juste l’impression de traverser du coton au toucher soyeux. Cela l’avait étonné la première fois, car il n’aurait jamais cru trouver une once de douceur sur ces hideux Undeads. A leur mort, cette aura lumineuse disparaissait, preuve que celle-ci représentait leur maigre vie. Il avait su et vu, par la suite, que des mages la leur ôtaient en la détruisant ou en l’aspirant. L’éclat qui les entourait s’en allait d’un coup et ils tombaient, laissant un tas d’os sur le sol.
…Seulement, Elfinor n’était pas un magicien et ne possédait encore moins de sorts capables de tels exploits, il ne détenait qu’une épée, certes exceptionnelle, et ses talents de bretteur. Il s’engagea alors dans une croisade contre les Undeads, ils sortaient de leurs terres, et il les tuait avec toujours plus de précision et d’acharnement. Ces êtres, qui n’étaient que des carcasses, se battaient avec beaucoup de vigueur, ils étaient animés par cette force surnaturelle. Le danger qu’ils représentaient n’était pas négligeable. En duel, l’elfe ne gagnait pas si facilement, ils se battaient d’une façon si différente de celle des taurens. Cela le motiva, ce style de combat lui plaisait plus, ils avaient plus de classe dans le maniement de leur épée, ils ne frappaient pas seulement en mettant toutes leurs forces, ils maîtrisaient à la perfection leurs lames à la taille démesurée. Il se demanda d’ailleurs comment avec une telle longueur, ils réussissaient à trouver les petits angles que l’elfe leur laissait. Elfinor savait qu’à chaque combat, il risquait sa vie, mais il était maintenant trop intéressé par eux, pour partir rejoindre les siens, il désirait apprendre le maximum, il pourrait ensuite l’enseigner aux jeunes Sylvains. Cinq ans lui furent nécessaires pour progresser et connaître parfaitement les techniques de combat des Morts-Vivants.
…Pendant ce temps-là, il n’avait rencontré que peu d’elfes, tous lui étaient étrangers, mais il accepta des soins de leurs parts quand ils lui proposèrent. Revoir des gens qui vivaient de la même manière que lui, lui faisaient plaisir, cela lui manquait. L’ambiance du clan, son frère, ses amis, leur Forêt. Il était pressé de retrouver les siens. Mais il savait qu’il ne serait plus le même, cette quête l’avait endurci.
…A son retour, il fut surpris de voir que des choses avaient changé, quelques membres étaient partis, alors que d’autres étaient arrivés. Il fut touché par le départ de certains de ses amis les plus proches, Erianna, Lliewelynn et sa fiancée, Azora. Il ne savait comment le prendre, ils avaient été là dès la création du clan et faisait partie de ceux qui s’investissaient dans les affaires de celui-ci. Ce fut un dur coup au moral, mais il le surmonta, comme à chaque fois qu’il rencontrait une difficulté.
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