Chapitre 1 : Corps et Esprit
Wäros, Spyrth et Bälank comme ils se faisaient appeler, étaient parmi les plus mystérieux êtres que le Lorndor ait porté. Triplets de naissance, ils avaient rejoint un groupuscule d’Humains après que leur famille ne soit massacrée par une attaque de démons. Outre ce détail, personne n’avait jamais eu vent de leur passé, ce qui entretenait une certaine méfiance de la communauté humaine envers ces trois individus. De plus eux-mêmes étaient du genre très renfermé, ne s’occupant guère des affaires internes à la gestion de leur tribu adoptive, passant énormément de temps à vivre et à s’entraîner ensemble. En effet s’il était une chose sur laquelle tous s’accordaient à penser, c’était que ces frères étaient de redoutables combattants. Par ailleurs ce détail ne faisait qu’amplifier le sentiment de crainte des autres membres de la tribu à l’égard du trio fraternel. Cependant leur aide avait permis la survie du petit peuple humain dans lequel ils avaient été recueillis, ainsi étaient-ils présents, sans être là réellement, n’en déplaisait à leurs confrères.
D’apparences très similaires, ces trois frères n’en étaient pas moins différents, tant sur leurs agissements, leur manière de concevoir le monde qui les entourait ou simplement sur leur style de combat. Ces différences faisaient d’eux une unité capable de réagir en circonstance quelque soit la situation, une fois réunis dans le même combat. Malgré tout chacun adoptait une philosophie différente, parfois complètement opposée l’une de l’autre, marquant très nettement la frontière psychique qui existait chez ces triplets. Ainsi étaient-ils unis, parfois même dans l’adversité, par les liens du sang et de la guerre. Les ages avaient fait d’eux de redoutables défenseurs de la race humaine, et de leur présence sur le champ de bataille dépendait bien souvent l’issue du combat. La reconnaissance ne les intéressait pas, d’ailleurs ni l’or ou encore même les femmes ne les intéressaient. Les trois frères voyaient en la lutte des hordes démoniaques un moyen de devenir plus fort encore, prouvant qu’ils étaient capable de défaire des machinations divines. La puissance en soi était leur plus grande motivation, et pour l’acquérir il leur fallait se battre toujours plus, quitte à mettre sa vie en péril pourvu qu’ils en ressortent plus forts.
Chacun des trois frères avait une vision différente de la conception de puissance, bien que tous s’entendaient à penser qu’elle était directement liée aux notions de corps et esprit. Wäros pensait que le corps primait sur l’esprit. De nature guerrière, il favorisait la force brute au combat, employant toutes sortes d’armes plus ou moins lourdes, ravageant les premières lignes ennemies. Selon lui l’esprit n’était que ce qui permettait au corps de se développer. En ce sens l’esprit était totalement dépendant du corps puisqu’un esprit sans corps n’était plus qu’une simple aura, un fantôme sans aucune influence sur le monde des vivants. C’est pourquoi le guerrier oeuvrait pour l’endurcissement de son corps face à l’esprit, qui n’était d’après Wäros qu’un outil utile au bon déroulement de l’aptitude physique. Il entretint ainsi son corps par le développement de techniques de combat rapproché.
Spyrth, à l’inverse de son frère pensait que l’esprit primait sur le corps. Devenu mage avec le temps, il développait une multitude de sortilèges en puisant directement dans les ressources de son esprit. De ce fait il était particulièrement puissant à distance, capable d’invoquer la puissance de magies que lui seul avait appris à développer. Selon lui le corps n’était qu’un réceptacle à l’esprit dans lequel il se développait. C’est pourquoi, contrairement à Wäros, Spyrth pensait que le corps était entièrement dépendant de l’esprit. Pour lui un corps sans esprit n’avait pas de raison d’être, et était voué à la servitude puisque dénué de toute volonté, comme l’étaient les créatures invoquées par Malgr pour ravager le Lorndor. Dans la vision du magicien, il fallait donc favoriser la volonté de l’esprit face au corps, qui n’était qu’un outil utile au bon déroulement de l’aptitude psychique. D’ailleurs il développa de nombreuses capacités mentales par la maîtrise de sorts.
Enfin, Bälank avait une vision bien plus ouverte que Wäros et Spyrth. Selon lui, aucun du corps ou de l’esprit n’était plus important que l’autre. Il y avait une idée de nécessité réciproque entre ces deux notions pour le combattant équilibré, maniant aussi bien les armes que l’utilisation de sorts, cependant à moindre effet que ses frères, s’étant spécialisés dans la magie ou le combat armé. Pour Bälank le corps et l’esprit dépendaient totalement l’un de l’autre. Les défauts de l’un étaient en effet comblés par les qualités empruntées à l’autre. Ainsi il voyait au-delà des capacités physiques et psychiques. D’après lui le corps et l’esprit étaient régis par les mêmes limites qu’il fallait exploiter un maximum afin de les repousser et de gagner en puissance. Bälank parlait donc de la souffrance au combat, nécessaire à l’épanouissement du corps pour s’endurcir, et de l’esprit pour être plus fort moralement.
Cette philosophie de la vie leur avait permis jusque là de s’en sortir quelque soit les difficultés rencontrées, et leur permettrait bien plus encore à l’avenir…
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