Hop, histoire de me motiver pour écrire la suite, voilà le début de l'histoire à laquelle j'avais fait allusion à la fin de ma fiche de perso
Pour les motivés qu'un bon gros pavé n'effraie pas, je recommande la lecture des
secrets d'Eltherith avant de commencer ce récit.
Mais je resitue un peu, juste pour que personne ne soit totalement dans le brouillard^^
Où ?
> dans une région extérieure au Lorndor, quelque part dans l'est, et plus précisément dans la capitale, Aelred.
Quand ?
> une dizaine d'années avant mon arrivée en ces contrées accueillantes (bastooooooon !!!!
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)
Qui ?
> ben, moi^^
Enfin, sous mon apparence drow (oui, je fais elfe ou drow selon mon humeur... comme c'est original...) que j'avais adoptée pour tenter de repartir sur de nouvelles bases après que j'aie découvert que mon père adoptif était l'assassin de ma véritable famille (cf
ma fiche perso).
L'histoire me sert juste à développer mon personnage rp... d'ailleurs ma personnalité va finir par atteindre un tel degré de complexité que je vais finir par m'y perdre moi-même
Commentaires autorisés (ça me donnera le temps d'écrire le reste^^)
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1. Deux voleurs
*
- Aux voleurs ! Arrêtez-les ! Arrêtez-les !
Un grand bruit de cavalcade se fit entendre dans les rues pavées d'Aelred. Deux minces silhouettes déboulèrent d'une venelle étroite et dérapèrent dans une flaque de boue.
- Eh-là ! Ce n'est pas le moment de se retrouver les quatre fers en l'air, Ziyardan !
- Ce n'est pas le moment de faire de l'humour non plus !
- Tais-toi et cours !
Les adolescents -un garçon et une fille, d'après leurs voix- repartirent au grand galop entre les hautes maisons à colombages dont le torchis prenait des teintes rousses dans les premières lueurs de l'aube.
Un coup d'oeil jeté par-dessus l'épaule les fit accélérer : un groupe suant et vociférant venait de tourner à l'angle de la ruelle, et tout ce remue-ménage commençait à attirer un peu trop l'attention...
La jeune fille attrapa brusquement son compagnon par l'ourlet de son manteau flottant, le stoppant net.
- Une patrouille du guet vient à notre rencontre !
Le garçon scruta la rue déserte devant eux.
- Mais qu'est-ce qui te fais dire que...
Il secoua la tête, ce qui lui fit tomber devant les yeux une mèche rebelle couleur de jais.
- D'accord. Qu'est-ce qu'on fait ?
- Demi-tour ! Et vite !
- Quoi ?!
Avant que Ziyardan ait pu en dire plus long, sa complice rebroussa chemin vers une venelle sombre qu'ils avaient dépassée un peu plus tôt, rapide comme une flèche.
Pas assez rapide cependant pour s'y engouffrer avant que le meneur de leurs poursuivants ne lui mette la main au collet.
- Aha ! Je te tiens, sacripant ! Tu pensais vraiment que j'allais te laisser filer alors que tu as essayé de me détrousser ? Je vais te...
L'homme ne put en dire plus long : l'adolescente venait de lui envoyer un grand coup de pied dans le bas-ventre.
Le temps que la troupe des justiciers retrouve ses esprits, ses proies s'étaient faufilées dans le passage et avaient escaladé une palissade qui se dressait un peu plus loin en travers du chemin.
Les deux voleurs coururent un moment sans parler.
Dans une ruelle d'aspect misérable et malsain, ils descendirent les trois marches boueuses qui menaient à un battant de bois verdi et pourri au pied d'une maison abandonnée.
Personne n'avait dû habiter dans ce taudis depuis des années : un fatras de plaches et de vieux bouts de métal rouillé encombrait le sol de terre rendu humide par l'eau qui avait suinté sous la porte disjointe. Une odeur de pourriture et de champignons rendait l'air quasi irrespirable.
Sans s'en préoccuper, les adolescents repoussèrent un vieux tonneau, découvrant une trappe qui, une fois ouverte, laissa entrapercevoir une volée de marches dans la lueur pâle du matin filtrant entre les interstices d'un volet au niveau de la chaussée.
Ziyardan prit un petit sac pendu à sa ceinture pour y prélever une pincée d'une poudre duveteuse aux reflets argentés. Il souffla doucement dessus, puis murmura quelques mots. Les particules en suspension autour d'eux se mirent à dégager une douce lumière.
Et quand les jeunes gens s'engagèrent dans les souterrains, le hâlo les suivit, repoussant les ténèbres devant leurs pas.
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Ils avancèrent le plus vite et le plus silencieusement possible, jusqu'à une petite salle dont l'irrégularité trahissait l'origine naturelle.
Là, Ziyardan s'adossa à une des parois avant de laisser échapper un profond soupir.
- Nom d'un gnoll ! On l'a échappée belle ! La prochaine fois, si tu veux faire les poches de quelqu'un, évite de choisir un mercenaire, Dwärna !
Sa compagne s'appuya à côté de lui puis abaissa le capuchon de son ample manteau couleur muraille. La lueur magique accrocha un pâle reflet de lune sur sa chevelure d'un blanc laiteux.
Un léger sourire éclot sur ses lèvres, adoucissant ce que ses traits d'elfe noire pouvaient avoir de dur et de figé.
- Mais je t'assure que j'ai bien fait attention en le choisissant...
Ses yeux violets pétillèrent avec malice.
Son compagnon passa une main dans sa tignasse ébourrifée en fronçant son nez en trompette.
- Evidemment, tu l'as fait exprès...
Dwärna se mit à rire sileucieusement et fit un pas de côté pour éviter le coup de poing amical que le jeune homme lui envoya dans les côtes.
- Manqué !
- Tssst ! Pour être manqué, c'est manqué. Si au moins tu avais réussi à lui piquer son argent, à ce gros tas de muscles...
Le garçon s'interrompit abruptement, le regard fixé sur la bourse de cuir rebondie que sa complice faisait sauter en l'air avec une moue ironique.
- Non ! Tu... alors c'est pour ça que tu t'es laissé attraper par le col tout à l'heure ?! Oh, tu... tu...
- Je ?
- Tu es complètement cinglée, voilà !
Ziyardan croisa les bras et prit une expression butée. Dans le mouvement, ses cheveux lui tombèrent une nouvelle fois devant les yeux.
La drow le trouva soudain très... mignon. "Mignon" ? Elle s'ébroua, comme pour se réveiller.
- Viens, mieux vaut ne pas trop traîner dans ces souterrains...
Au bout de quelques minutes, le jeune voleur la fixa, songeur.
- Parfois je me demande... qu'est-ce que tu cherches comme ça ?
- Comme ça quoi ?
s'étonna Dwärna.
- Eh bien... ce n'est pas la première fois que tu fais ça... prendre des risques. Je l'ai remarqué depuis un moment. Et ça ne cesse d'empirer. Est-ce que tu cours après quelque chose, ou bien est-ce que tu es en train de fuir ? J'ai souvent l'impression que tu te caches de quelqu'un... J'aimerais savoir...
- De quoi tu te mêles, Ziy ?
La voix de l'elfe vibra sourdement, basse, mais avec une telle colère que le jeune mage eut un mouvement de recul.
- Non, écoute, j'essaye juste de te comprendre...
- En usant de tes pouvoirs de mage spirit ? En tentant de fouiller dans mon esprit ?
L'adolescent blêmit.
- N-non, je...
Il se retrouva plaqué au mur, un étau serré autour du cou.
- Ne mens pas ! Je t'ai senti lorsque tu as voulu le faire, il y a un instant !
- Oui ! Oui, je l'ai fait ! Parce que je m'inquiète pour toi et que j'ai peur de te voir faire une bêtise !
Dwärna le lâcha brusquement et il glissa au sol, haletant.
- Ne t'avise jamais plus d'employer tes pouvoirs sur moi, tu entends ?
La jeune elfe tourna les talons et s'enfonça dans l'obscurité sans se retourner.
Ziyardan se frotta le cou tout en essayant de reprendre sa respiration.
Un peu chancelant, il se releva et longea le tunnel, les sens aux aguets, aussi silencieux et prudent que possible : ces souterrains étaient le territoire exclusif de la guilde des voleurs. Ce ramassis d'assassins et de gibiers de potence de tous poils sans lien particulier n'aurait pas vu d'un très bon oeil l'intrusion d'un tire-laine provincial de petite envergure dans son royaume...
Mais ce n'était évidemment pas la première fois que l'adolescent empruntait ces couloirs sombres et étouffants : il ne marqua aucune hésitation aux nombreux carrefours qui se présentèrent et aboutit très vite à un mur de terre en partie éboulé. Il repoussa les vieilles planches qui dissimulaient ce passage à l'extérieur puis se glissa dans une rue déserte.
A quelques mètres de là se dressait une massure à étage dont les murs lépreux ne semblaient résister que parce que les bâtiments voisins les soutenaient. Une simple grille qui ne pendait plus que par un gond ouvrait sur une étroite cour intérieure toute en hauteur. De là, des escaliers pourrisants grimpaient cahin-caha vers les étages.
Avec l'assurance de l'habitude, le jeune homme grimpa les marches branlantes, évitant les degrés trop fragiles sans même y penser. Une fois sous les combles, il poussa une porte qui grinça avec force.
Quelques ardoises brisées laissaient filtrer la lumière du soleil. De vieux coffres vermoulus se casaient tant bien que mal dans la longue pièce basse, et des tas de couvertures élimées jetés dans un angle complétaient l'ameublement.
Ziyardan leva le nez et découvrit l'elfe à son endroit favori : assise sur une poutre, un genou ramené sous le menton, le regard perdu dans le paysage visible à travers un grand trou dans la toiture. Elle ne bougea pas mais ses yeux glissèrent dans sa direction.
Le mage se râcla la gorge.
- Ecoute... je m'excuse pour avoir...
- Non, tu n'as pas à t'excuser,
soupira la drow d'un air sombre. J'ai réagi trop violemment... alors qu'il est normal de s'inquiéter pour un ami...
Ses traits se détendirent un peu et elle sourit.
- Je suis contente que tu sois là, Ziy.
Elle se laissa tomber en arrière et retomba souplement sur ses pieds.
- Laisse-moi mes secrets, tu veux ?
murmura-t-elle en lui posant une main sur l'épaule. Je préfère les oublier, mais un jour, peut-être...
**
- Psssst !
- Quoi ?
- Grouille ! Je gèle, moi ! Et puis le guet ne va pas tarder à venir faire ses rondes dans le secteur !
Avec un soupir exaspéré, Dwärna quitta la fenêtre par laquelle elle se penchait et, en contrebas dans l'impasse, Ziyardan se remit à aller et venir pour tenter de se réchauffer. Son haleine formait un léger nuage dans la nuit froide. De sombres nuages voilaient la lune.
Le garçon se prit à regretter leur repaire misérable empli de courants d'air : au moins, enroulé dans ses couvertures trouées et callé entre leurs vieux coffres, il se sentait en sécurité, alors que là...
Un bruit d'ailes au-dessus de sa tête le fit sursauter.
- Mais pourquoi je me suis enfui de mon école de magie, moi ? Dwärna, par pitié, dépêche-toi !
La drow reparut, une réplique cinglante aux lèvres, mais un bruit si lointain qu'elle seule pouvait le percevoir lui frappa les oreilles.
- Des soldats ! Mais je croyais qu'ils devaient passer plus tard !
Elle fronça les sourcils.
- Ils arrivent par ici. On n'a plus le temps de filer par la rue. Ne nous restent que les toits. Grimpe, Ziy !
- Va savoir pourquoi, je me doutais que tu allais dire ça...
Il n'avait pas fini sa phrase que sa compagne avait enjambé le rebord de la fenêtre et escaladé les élégantes corniches de la façade jusqu'aux goutières de marbre terminées de gargouilles de fonte.
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Elle jeta sur son épaule un sac de toile qui émettait un bruit métallique avant de se redresser, ses prunelles améthyste fixées sur l'angle de la ruelle.
- Ziy ! Active-toi, bon sang !
Dwärna se pencha pour le tirer par le poignet. Mais un cri d'alarme leur indiqua que les hommes du guet les avaient déjà repérés.
Vifs comme l'éclairs, ils filèrent le long des toits, passant de maison en maison, franchissant les minuscules ruelles d'un bond.
Ce soir, la chance n'était pourtant pas avec eux : à peine eurent-ils posé le pied sur une place tranquille, pensant avoir semé leurs poursuivants, qu'une seconde troupe fit son apparition.
Ni une, ni deux, les fuyards plongèrent dans un puits qui s'ouvrait dans un angle de l'esplanade.
Le contact de l'eau glacée leur coupa le souffle, mais leur coeur fit un bond de soulagement lorsque, une fois remontés à la surface, ils découvrirent que le puits se prolongeait à l'horizontale par une galerie basse.
Les souterrains formaient un lacis incroyablement dense et étendu sous toute la ville. Nombre de puits et de caves communiquaient avec les tunnels, ce qui facilitait merveilleusement la besogne de la guilde... Le guet faisait de son mieux pour découvrir et condamner ces passages, mais il y en avait tant...
Les adolescents nagèrent dans le couloir inondé, claquant des dents. Les imprécations des soldats penchés sur la margelle qui résonnaient dans leur dos s'assourdirent, puis le silence reprit ses droits.
Le tunnel se mit à remonter et les jeunes gens purent bientôt sortir de l'eau, bleus de froid. Dans le noir, Ziyardan tâtonna à la recherche de son sachet de poudre de lumière.
- Oh zut ! Elle est trempée...
Il y eut un léger craquement et la lueur d'une flamme jaillit entre les mains de l'elfe.
- Sans combustible, je ne pourrais maintenir ce sortilège bien longtemps. Pas assez pour nous guider jusqu'à une sortie, ni même assez pour nous sécher un peu...Tu vas devoir t'en remettre à moi. J'y vois dans le noir... mais j'ignore totalement où nous sommes exactement...
Le mage déglutit péniblement.
- Je n'ai pas trop le choix, de toute façon...
Déjà, la langue de feu commençait à pâlir. Puis ils se retrouvèrent de nouveau plongés dans l'obscurité la plus complète.
Main dans la main, ils se mirent en marche.
Plusieurs fois, Dwärna s'immobilisa, alertée par quelque rumeur lointaine que seuls ses sens aiguisés pouvaient percevoir.
Une fois, même, elle poussa son compagnon contre la paroi et lui plaqua la main sur la bouche tout en s'aplatissant à ses côtés.
Le jeune homme sentit quelque chose passer, invisible dans les ténèbres. Quelque chose d'énorme qui produisait un crissement très léger et dont émanait une odeur douceâtre.
Les yeux écarquillés, il tenta vainement d'apercevoir quelque chose, mais le crissement s'éloigna puis s'éteignit. Tournant la tête, il se rendit compte que la drow avait fermé les yeux au passage de la chose.
- Mais qu'est-ce que c'était ?
chuchota Ziyardan d'une voix chancelante.
Les prunelles de crépuscule de sa compagne scintillèrent de nouveau et le fixèrent.
- Si tu tiens à la raison, il est préférable que tu n'en sâches rien.
- Et pourquoi ? Je sais qu'il existe des créatures si...
- Il y a une différence entre savoir et voir de ses yeux. Vous autres humains avez souvent tendance à retirer une dangereuse assurance de ce que vous croyez connaître, alors que...
- Ca va, j'ai compris ! Arrête de faire l'elfe, c'est insupportable !
Un petit rire moqueur lui tinta aux oreilles.
- D'accord, d'accord. Remettons-nous en route : cet endroit n'est vraiment pas sûr. Nous devons être dans une zone particulièrement reculée des souterrains...
A mesure qu'ils progressaient, l'air se faisait plus respirable. Dwärna semblait les avoir menés dans la bonne direction.
La guilde rappelait sa présence par les curieuses petites pierres lumineuses qui jonchaient le sol : des torches auraient rapidement empli les couloirs de fumée, alors que ces cailloux scintillants balisaient parfaitement la voie à suivre...
Ziyardan était tellement occupé à examiner le sol à ses pieds qu'il buta contre l'elfe.
- Eh, mais pourquoi tu t'arr...
Il n'acheva pas sa question, car la réponse lui apparut sous la forme d'une épée d'une longueur formidable. Louchant sur la lame, le mage avala péniblement sa salive avant de relever les yeux sur les cinq silhouettes soigneusement masquées qui les cernaient.
- La guilde...
***
- Sang de dragon ! Cette petite vipère a les dents longues !
éructa un des bandits en jetant sans ménagement Dwärna ligotée sur le sol d'une immense caverne.
- Prends garde : on ne sait jamais... les morsures de drow sont peut-être empoisonnées !
ricana un autre sbire.
Ziyardan rejoignit bientôt l'elfe par terre.
Quelques gredins sortirent bientôt des recoins de la salle.
- Qu'avons-nous là ? Des intrus ?
- Ils ne portent pas la marque, donc oui, des intrus. Qu'allons-nous faire d'eux ?
- Bah, le fil d'une lame sous le menton, et on n'en parle plus.
- Tant qu'ils sont là, on pourrait s'amuser un peu...
- Le gamin a l'air à deux doigts de tourner de l'oeil... en revanche, la fille...
- Tssst ! Tu ne viendras pas te plaindre si elle t'égorge dès que tu l'auras détachée ! Encore un peu et j'y passais, moi...
Quelques ricanements s'élevèrent.
- Et si nous les jetions au klerg ?
Un rugissement d'approbation fit vibrer les stalactites de la caverne.
Aussitôt, les adolescents furent soulevés jusqu'à un grand trou dans le sol et y furent précipités sans cérémonie.
La chute avait été rude, et Ziyardan était livide. Lividité qui s'accentua quand un crissement se mit à monter d'un puits au centre du trou. Un tonnerre d'acclamations salua l'apparition d'une créature effroyable, cuirassée de corne et d'écailles, perchée sur de longues pattes d'insecte, avec une tête de reptile attachée à un cou souple et mobile. Cet assemblage invraisemblable exhalait une puissante odeur de décomposition.
Avec un claquement avide de ses mâchoires préhensiles, la bête tourna sa tête aveugle vers les proies qu'on lui offrait.
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Depuis un moment, déjà, Dwärna s'escrimait contre ses liens d'où s'élevait un mince filet de fumée.
Face à l'urgence, elle renforça son sort de feu sans plus de précaution et grimaça sous la brûlure du chanvre. Elle se débarrassa prestement de ce qui restait de la corde, juste assez vite pour rouler sur le côté et éviter la charge furieuse du klerg.
Dans son élan, le monstre percuta la paroi de plein fouet.
Il secoua la tête, puis remarqua le mage toujours attaché. Il avait dû se blesser en touchant le sol : un ruisselet de sang courait sur le roc. La créature renifla l'air et un filet de bave translucide coula de sa gueule d'épouvante.
Dwärna ramassa une pierre et la lui lança à la tête afin de détourner son attention. Elle réussit si bien que la bête oublia totalement la proie facile qui n'était qu'à quelques mètres pour se jeter sur l'elfe avec une agilité de félin.
L'elfe se débattit énergiquement dans l'étau des pattes avant qui se resserrait irrésistiblement sur sa taille. Il fallait qu'elle atteigne le fin poignard dissimulé dans la doublure d'une de ses bottes...
Le klerg ouvrit tout grand les mâchoires... et poussa un sifflement intolérable lorsque sa captive plongea un bras prolongé d'une lame d'onyx dans sa gueule.
Dans un spasme, le monstre projeta l'elfe contre la paroi puis recula maladroitement. Des flots de sang noir éclaboussaient le sol. Ses longues pattes arachnéennes se dérobèrent et il s'abattit d'un bloc. Un gargouillis, puis plus rien. La créature était morte.
Un silence stupéfait s'abattit sur l'assemblée des voleurs massée au bord de la fosse. Peu à peu, des murmures se firent entendre, murmures qui se changèrent en un grondement de frustration.
Ecroulée au pied du mur, Dwärna luttait pour rester consciente. Le choc contre le roc avait été d'une violence extrême. Un goût ferreux lui emplissait la bouche. Elle devait avoir des côtes enfoncées...
Les bandits déçus semblaient prêts à descendre achever la besogne du klerg, quand un mouvement de surprise et de crainte parcourut la foule, ramenant le silence. L'atroupement se scinda en deux pour laisser le passage à une haute silhouette.
On aurait dit un humain... s'il n'y avait eu deux grandes ailes membraneuses qui dépassaient de son long manteau sombre. Les yeux de l'elfe purent percer le secret du lourd capuchon qui dissimulait les traits du nouveau venu, et rencontrèrent deux prunelles jaunes fendues à la verticale.
Une chimère, un hybride de démon et d'homme... Mais loin d'être inquiétant, ce regard était empli d'intérêt.
- Remontez-les tous les deux puis portez-les dans une de mes salles,
chuchota-t-il d'une voix basse et pourtant impressionnante. Et faites-le en douceur...
Avant d'avoir pu en entendre plus, Dwärna sombra dans l'inconscience.
****
Une douce sensation de chaleur tira l'elfe de sa torpeur. Ses doigts engourdis se crispèrent sur une couverture épaisse et moelleuse.
Clignant des paupières, elle distingua une silhouette ailée plongée dans la contemplation d'un feu allumé dans une cheminée taillée à même la roche vive.
L'air était beaucoup plus frais ici. La surface ne devait pas être loin...
L'hybride parut sentir le poids de son regard et se détourna. Ils se fixèrent un long moment en silence, puis un sourire ambigu étira les lèvres minces de l'homme.
- Curieux. Tu es bien la seule qui ose de dévisager en face, elfe...
- Où est Ziyardan ?
coupa impulsivement Dwärna en tentant de se redresser.
Une onde de souffrance la rejeta en arrière, le souffle court.
- J'éviterais de bouger, si j'étais toi. Je peux faire beaucoup de choses, mais pas ramener les morts à la vie... bien que je sâche comment le faire. Inutile d'empirer les choses en t'agitant ainsi. Le mage est dans une autre salle. Les humains se remettent moins vite de leurs blessures que ceux de ton espèce.
- Mais qui...
- Tu peux m'appeler Azriel.
- Et pourquoi...
- Pourquoi je t'ai sauvée ? Eh bien... ton sang-froid face au klerg était impressionnant... Et j'ai tout de suite deviné que tu étais un peu spéciale. Pas tout a fait un hybride, mais presque. Pourquoi avoir choisi une apparence d'elfe noire alors qu'il t'est beaucoup plus difficile de passer inaperçue ainsi ? Craindrais-tu que quelqu'un ne te reconnaisse sous ton apparence de haute elfe ?
Dwärna en resta pétrifiée : en quelques secondes, cet être des profondeurs avait réussi à mettre le doigt sur ce qu'elle avait même dissimulé à Ziyardan. Ce ne pouvait être qu'un mage spirit, mais d'un niveau très supérieur...
Azriel hocha la tête.
- En effet, tu as vu juste. Mais garde donc tes autres secrets. Je n'irai pas les chercher. J'en ai vu suffisament pour me faire une opinion.
Il vint se pencher sur l'elfe.
- Il reste juste une chose...
Avant qu'elle ait eu le temps de réagir, il lui saisit la main. Elle laissa échapper un cri de douleur et de surprise tout en retirant vivement ses doigts.
Stupéfaite, elle considéra la marque écarlate en forme de V qui venait d'être imprimée sur sa paume comme au fer rouge.
- Bienvenue dans la Guilde des voleurs, jeune elfe...