Syhl était arrivée en avance au rendez-vous. Simple habitude de chasse à repérer et à connaître les lieux pour ne pas être prise au dépourvu si la situation ne prenait pas le tour attendu. Même si la vampire ne pensait pas avoir à craindre que la gnomette ne trahisse sa parole. Il est des regards qui ne trompent pas, et Syhl avait vu dans les yeux de Baya, au delà de toute Idéologie, le Respect de la parole donnée à l'Autre.
Elle s'avança donc, dans le froid de la fin de la nuit, laissant le bas de sa mante jouer avec les brumes au sol et former sur son passage des volutes aux formes fantastiques.
La gnomette était là.
A sa vue, Syhl sentit monter en elle une irrépressible Envie. En une fraction de seconde elle se retrouva projetée plusieurs lunes en arrière, lors de cette fameuse nuit où elle avait pu tenir la belle gnome entre ses bras, et goûter à son sang si précieux et si délicat.
Depuis qu'elle était Vampire, Syhl s'était nourrie bien des fois. Elle avait au fil du temps appris qu'il y avait deux sortes de faim. La faim, toute simple, le besoin de sang et l'urgence à la satisfaire par la Morsure sans autre forme de cérémonie.
Et puis, il y avait la Faim, dans tous les sens que pouvait revêtir le terme. L'Envie de l'Autre. L'Envie de le découvrir, de le "goûter", de le palper, de connaître son corps, son âme, son Essence. Cette Envie de Savoir qui ne peut se satisfaire que par l'exploration des Sens: vue, toucher, odorat, ouïe... et goût.
Baya était l'une des rares personnes à avoir su éveiller cette Faim en elle. De l'amour? Oui. Non.
De l'Envie. La plus belle, la plus pure, la plus merveilleuse.
Syhl s'arrêta à la hauteur de la belle gnomette, et la salua.
... Ainsi donc, vous voici, seule... Belle et Douce Baya. Pas un instant je n'ai douté de votre venue dans le respect de notre pacte de l'Instant.
Ses grands yeux gris et translucides, habituellement glacials, abritaient une lueur brillante particulière.
... Comment vous portez-vous, jolie Gnomette? Vos cheveux sont d'une beauté sans pareille sous la lueur de la Lune cette nuit. Bien plus beaux encore qu'ils ne m'apparurent en contraste sur la blancheur de votre oreiller...
Syhl avança sa main vers l'une des mèches de Baya et, voyant son sursaut de recul, eut un petit rire qui dévoila malgré elle l'un de ses crocs.
... Allons... ne soyez pas si tendue, ô merveilleuse et charmante petite Baya... je n'ai qu'une parole. Cette nuit vous verra repartir de ces lieux saine et sauve, sans aucune tentative de ma part sur vous... de quelque nature que soient ces tentatives...
A moins que ce ne soit vous, qui demandiez... ajouta-t-elle avec un regard particulier à la belle gnome.
