Syhl
[ Epilogue. ]Trois coups furent frappés à la grand’Porte. Trois coups qui résonnèrent longtemps dans le grand Hall de pierre. Puis le silence.
Quelques minutes après, deux gardes amenèrent dans la salle d’audience une forme sale et repoussante, une forme vaguement humaine, qui tomba à genoux dès lors qu’elle ne fut plus soutenue. Les vêtements étaient sales, et déchirés, mais malgré tout on pouvait deviner que les tissus avaient autrefois été de qualité. Le capuchon de la mante fut rabattu, dévoilant un visage d’une blancheur spectrale, encadré par une masse de longs cheveux blonds en bataille, où brillaient deux immenses yeux gris opalins marqués par les cernes. Deux sillons rouges séchés parcouraient les joues de celle que Seytahn identifia immédiatement comme étant une lilith, mais il lui fallut un bon moment avent de réaliser qui se tenait réellement devant elle.
Toujours à genoux, la jeune femme regarda la Matriarche, puis courba la tête vers le sol, définitivement brisée, et d’une voix faible, épuisée par les larmes, la fatigue, la faim :
- « Je m’en remets à vous… Mère. »Seytahn
[ La Maîtresse ]Syhl est là, devant moi.
Elle est belle, et je l’aime.
Elle sent les longs voyages, et leurs profondeurs.
Son odeur est enivrante, ses formes, attirantes.
Sa peau est douce, à croquer.
Ses cheveux jouent avec la blondeur de la pleine lune.
Je la regarde.
Elle me parle, mais j’écoute à peine ses paroles.
Elle est agenouillée devant moi, alors que je la vois debout.
Oui, c’est vrai, Abred et moi, on s’est marié, alors que, d’après ce qu’elle dit, ils partageaient leurs traverses et ce, depuis 18 Lunes.
Abred semblerait n’en conserver qu’un souvenir diffus.
Sans doute, les effets de la transformation.
Et la voilà, elle, ravagée par cette métamorphose. Et en plus, elle se souvient, pliée sous le poids de l’affliction.
Oui c’est vrai, dans le Sanctuaire d’Os, nous l’avons mordue.
Mais sinon, elle allait se pourfendre de ses griffes, réclamant le droit à sa propre disparition.
Décidément… une manie chez ces humains.
« Vous m’avez volé ma vie, vous ne me volerez pas ma mort ! »Mon sang n’a fait qu’un tour, agrippant sa gorge chaude.
D’accord, ce n’était pas gentil.
Mais que fait-elle là, à genoux, alors qu’elle devrait être debout ?
Son essence féminine parfume les airs. La Déesse est en elle. Beauté, créativité, émotion, partage, maternité, imagination, soins, sagesse, Vide, Coupe, Terre… tout est là, guerrière !
Et voilà qu’elle m’appelle
« Mère ».Rhaaaaaaaaaaa ! Ces manies d’humains, ce n’est pas possible, à la fin !
J’ai serré mes lèvres. Je me méfiais de ce mot… avec ces manies d’humains… hiérarchie, systèmes, classements, technologies, affrontements, calculs, élitisme, cieux, dieux.… on ne sait jamais jusqu’où le patriarcat pointe son nez, il s’infiltre et détourne parfois même… Mère.
Je me suis agenouillée jusqu’à elle.
Belle, belle Syhl.
Je ne pus retenir alors, un sourire.
Tout ce que je lui ai répondu, c’est :
« Ma Maitresse »Et je l’ai serrée fort dans mes bras.
Si elle le veut, nous goûterons nos lèvres, goutte à goutte.