[ Partie I – L’errance. ]
La chevauchée silencieuse s’était poursuivie. Abred en tête, noire silhouette droite et silencieuse se balançant souplement au rythme du pas de sa monture. Syhl, derrière, les yeux fixés sur Abred, toute aussi silencieuse.
Des journées avaient passées depuis qu’elle avait quitté la forteresse BITT. Ils avaient chevauché sans cesse, surtout de nuit. Pas une parole n’avait été prononcée entre les deux cavaliers. Les seules conversations qu’ils avaient pu avoir par instant avaient consisté en des échanges de regards. Celui de Syhl, interrogateur à l’extrême, et chargé de haine. Celui d’Abred, serein, neutre, et totalement indéchiffrable. Accompagné de ce sempiternel petit sourire provocateur.
Les premiers temps, la jeune femme s’était demandée ce qui allait lui arriver. Elle s’attendait à tout moment à voir l’assassin se tourner vers elle, à se faire poignarder, à entendre une de ces petites phrases cinglantes qu’il affectionnait employer au moment de porter le coup fatal à sa victime… mais non. Rien ne venait. Ce qui n’arrangeait pas la tension nerveuse de la jeune femme, au maximum jour après jour. Chaque jour elle avait ressenti des douleurs au niveau de la nuque et des épaules, mais n’avait pas relâché pour autant sa surveillance. Trop de fois il s’était joué d’elle alors qu’elle n’avait eu qu’une seconde d’inattention. Elle s’était jurée de ne plus jamais commettre les mêmes erreurs.
Ils s’arrêtaient chaque jour, montaient un campement de fortune, pour laisser se passer la journée et son flot de rencontres dangereuses. Puis Abred s’absentait plusieurs heures, à la tombée de la nuit. Et revenait, sale et recouvert d’argile et de terre, sa lame parfois recouverte de sang qu’il se mettait alors à nettoyer soigneusement avec du sable. Puis il allait se baigner pour ôter cette couche de terre, et à son retour, le campement était démonté… et ils reprenaient la route dans la nuit. Le même rituel, jour après jour. A plusieurs reprises, Syhl avait envisagé de s’enfuir. Après tout, il partait chaque fois durant des heures, rien n’aurait été plus facile pour elle que de ravager le campement, détruire les affaires de l’assassin, et partir… mais à chaque fois, elle avait renoncé. Toujours cette fichue curiosité, ce besoin de savoir…
Dans la journée, généralement ils dormaient. Chevaucher de nuit obligeait à modifier les habitudes de vie. Les premières « nuits », Syhl ne pouvait fermer l’œil. Dormir dans le même campement, à moins de cinq mètres de l’assassin qui n’a eu de cesse de vous torturer, allant jusqu’à vous poursuivre dans votre propre chambre, au milieu d’appartement privés dans une forteresse gardée jusqu’aux dents… C’était au dessus de ses forces. Et de ses nerfs, surtout. Elle avait passé ainsi les premiers temps assise sur sa couche, les bras autour des genoux, à fixer le feu du campement sans pouvoir trouver le sommeil. Et subissait chaque matin, le réveil détendu d’Abred, et son regard goguenard sur les cernes qui s’étendaient chaque jour davantage sous les yeux de Syhl.
Ils avançaient ainsi, jour après jour, nuit après nuit, en silence, sans que Syhl ne puisse savoir si cette errance avait un but précis, qu’il s’agisse d’un but géographique… ou autre.
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Dernière édition par Syhl le Lun 22 Nov, 2010 17:45, édité 1 fois au total.
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