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... que vous êtes un rustre?
Le mot écorcha l'oreille d'Azriel, ou du moins, l'aurait écorchée si elle avait eu la moindre part à l'affaire. Mais il semblait que les mots de la demoiselle avaient directement élu domicile dans son cerveau, sans passer par les intermédiaires habituels... Curieux...
Il se tourna vers elle, interloqué, puis la lumière se fit dans son esprit.
Hélas, ma Dame...
Commença-t-il avant de s'interrompre brusquement. Non, ça ne va pas être possible comme cela...
poursuivit-il avec une moue désappointée. Il se tourna vers le bar, et prit une gorgée de sa liqueur, qu'il savoura avec un sourire appréciateur.
Cela va mieux... C'est délicieux, Messire Tavernier assistant, et je loue votre sens de la décoration, cette petite cerise est tout bonnement ravissante...
Il revint à la jeune femme dont les pommettes arboraient une légère teinte rose du plus heureux effet.
Pardonnez-moi,
reprit-il avec un sourire amical, mais je déteste parler la gorge sèche, rien de plus désagréable quand on désire s'entretenir de choses importantes... Bref, que disais-je? Ah oui...
Son oeil bleu prit une expression d'innocence effrayée et implorante que démentait une curieuse lueur dans son oeil brun.
Hélas, ma Dame, comme je suis malheureux et honteux de vous avoir donné cette pénible impression, le feu de vos yeux me glace, et pourtant il me semble que j'endurerais volontiers à tout jamais ce tourment si doux, si vous me laissiez m'expliquer, me justifier, et même pis encore si vous daigniez pardonnez l'inqualifiable grossièreté dont j'ai fait preuve envers vous, qui êtes indirectement la cause de mon égarement par votre froide beauté...
Il joignit les mains, et baissa à demi les yeux.
Je n'ose même vous demander pardon à genoux, vous me tueriez en laissant tomber de cette hauteur, un mot dur sur mon coeur...
Et de plus, je préfère mourir plutôt que d'effleurer de mes vêtements ce sol à la propreté douteuse...
pensa-t-il avec dégoût.
Mais que puis-je dire?
Poursuivit-il en plongeant son regard dans les yeux froids de la belle. Vous faites naître en moi une timidité inconnue, et je souhaitais simplement vous contempler de loin, mon simple bonheur, mais mon coeur a pris les rênes et m'a conduit à vous déranger, inconnue si belle, et vous avez empli ma tête au point que je n'ai plus pensé à rien d'autre...
Votre nom... Mais j'en ai tellement qui me viennent, juste à vous regarder, tant de doux qualificatifs pour orner votre doux visage, votre regard profond, votre grâce éthérée... Et maintenant que je l'ai entendu... Rhadya...
Il ferma les yeux. Voici en un seul mot, "Rhadya", condensé mon dictionnaire de la Beauté, tous les termes réunis en un seul, toutes les définitions, tous les exemples se rapportant à votre seule personne...
D'autre part,
reprit-il avec un lent sourire en la fixant, si je voue un amour immodéré au... "contenant" - quel terme vulgaire quand il concerne cette gracieuse enveloppe - sachez que sans la beauté du contenu, le contenant n'atteint jamais à la grâce parfaite, et que les yeux, miroir de l'âme, en sont un indice irréfutable... Vos yeux, ma Dame, ont fait de moi votre prisonnier... Et puisqu'il est de bon ton de connaître l'identité de son prisonnier...
Il recula de deux pas, et plongea dans une profonde révérence, les yeux toujours dans ceux de la jeune femme.
Je serais au comble du bonheur si vous daigniez simplement prononcer une fois mon nom... Azriel.