Azriel allait répondre à Weegs, quand des éclats de voix féminines le coupèrent. Allons bon, qu'allaient-elles encore inventer... Se jeter dans le feu? Azriel fixa d'un air dubitatif les deux mortes-vivantes qui semblaient se livrer à un curieux jeu de qui se consumerait le plus vite.
La question ne connaîtraît vraisemblablement pas de réponse immédiate, car la jolie fée s'interposa et "sauva" la mini-vampette du feu... au prix de ses vêtements. L'air perplexe d'Azriel fut instantanément remplacé par un sourire émerveillé devant cette beauté, si confuse de sa soudaine et adorable nudité, hélas vite dissimulée par les ailes dorées de la fée effarouchée... Puis par celles moins attrayantes de son mari.
Azriel n'avait pas eu le temps de se porter au secours des demoiselles, quand une soudaine fraîcheur le parcourut de la tête aux pieds. Assez curieusement, bien que persuadé d'avoir été vêtu au moins partiellement depuis quelques heures, il se retrouvait enveloppé de sa seule chevelure sombre, effleurant ses reins...
Ses vêtements quant à eux s'étaient retrouvés sur la mini-vampette, qui même dans ces raffinés atours, ressemblait à un sac à patates larmoyant. Elle dut en prendre conscience, puisqu'elle les ôta et les rendit timidement à Azriel, rouge de confusion et les yeux pleins de larmes. Azriel aurait préféré qu'elle les garde, les larmes tachant la délicate étoffe avaient de toute façon fait de ses vêtements un objet d'oppobre importable.
Tandis que Weegs, exquisément gentleman, tendait sa veste à la jeune morte, Azriel se tourna vers le spirituel auteur de la plaisanterie, qui semblait maintenant curieusement apathique. Les volutes fantasmagoriques évanouies, la lancinante musique disparue, avait-il épuisé son répertoire comme il avait épuisé son public?
Pas le moins du monde gêné par sa nudité de statue, Azriel sourit au passage à la guerrière blonde, se passa une main dans les cheveux d'un air provocant, et s'approcha du troubadour.
Et bien? Où est la suite du spectacle? Demanda-t-il avec un sourire amusé. Savez-vous aussi sortir un rongeur d'un chapeau, ou une colombe de votre poche? Vous jonglez, peut-être également? Je me souviens avoir beaucoup apprécié ce genre de spectacle dans mon enfance...
Il eut un regard désolé.
Oh, j'aurais eu mes vêtements, et ma bourse, je vous aurais donné quelques piécettes pour ce charmant spectacle, quel dommage...
Mais je pense que la vue de mon corps si artistiquement exposé constituera une suffisante, voire excessive compensation.
Vous m'excuserez cependant de m'offusquer d'au moins trois inélégances impardonnables de votre part, ou du moins, de la part d'un galant homme que je ne suis pas sûr, finalement, que vous soyez, continua-t-il marchant de long en large, toujours indifférent à sa nudité. Tout d'abord, donner mes vêtements à cette jeune morte qui n'en saisit pas la valeur, au lieu de les honorer de la peau de cette jolie fée... Vous n'avez apparemment pas le sens des valeurs, ni de l'esthétique, mais vous n'y pouvez rien, je suppose.
D'autre part, reprit Azriel en se campant devant l'elfe d'un air de douce réprobation, je crains bien avoir entendu, amère dissonance pour mes délicates oreilles, une chansonnette incongrue sortir de votre petit corps... Je ne critiquerai pas la qualité musicale, qui n'est pas la qualité première que l'on attend d'une chanson à boire, à avoir bu, et surtout à recracher, et qui est, je pense, votre registre le mieux maîtrisé, mais je m'interroge sur le fondement et la signification de vos laborieuses paroles.
A ce qu'il me semble, vous critiquez nos façons d'être et surtout de parler, notre recherche de la verbale élégance vous hérisse, et la délicatesse de langue vous est insupportable. Soit. Qui sait d'ailleurs si vous n'êtes pas aussi insupportable à cette préciosité verbale qu'elle ne l'est à vous?
Je n'ai aucun mal à croire que vous soyez étranger à ces raffinements, et ne vous en veux pas, ajouta Azriel avec un sourire compréhensif, chacun est libre de ses intérêts, mais en quoi nos complexes et subtils assauts verbaux vous concernent-ils, si tant est que vous les compreniez?
Il arqua un sourcil d'un air hautain.
Je serais fort étonné, que nous en soyons venus à parler de "vous" dans notre soif de beau langage. Et pour moi, chacun de mes voisins constitue une source de connaissances et de curiosité suffisante pour que je ne m'abaisse pas à chercher plus bas...
Enfin, termina Azriel avec un sourire malicieux, cela me divertit beaucoup de voir de la poésie de fond de chope dénigrer une élégante rhétorique dans des termes si triviaux, comme un caillou qui se moquerait d'une étoile, et cela me rassure à la fois, tant j'aurais été désappointé d'avoir une place au sein de vos... goûts.
Un doigt sur la bouche, Azriel envisagea l'elfe troubadour, et conclut d'un air méprisant:
Mon dernier reproche glissera sans doute sur vous comme un voile de satin sur un rocher crasseux, mais sachez qu'un galant homme ne force pas la main d'une jeune fille, fut-elle morte, avec un tel dédain...
Azriel se pencha vers l'elfe avec un lent sourire.
Bien que votre impatience à me voir dénudé n'ait pu attendre l'intimité d'une chambre, sachez que ce n'est pas ainsi que vous gagnerez mes faveurs... Murmura-t-il.
Et, le prenant au dépourvu, il l'embrassa sur les lèvres, les mordillant au passage, avant de s'éloigner avec un sourire satisfait à la recherche de ses bagages.
_________________ En vous voyant, j'ai trouvé la plus belle fleur du Jardin des Délices... Et le plus beau fruit...
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