Du haut du donjon, seul partie encore intacte du palais BITT, les mains sur la pierre nue, la jeune femme observait le champ de bataille à ses pieds avec les yeux brûlants de haine et de mépris, tout en se remémorant les quelques paroles qu'elle avait pu échanger avec certains d'entre eux. Elle tremblait littéralement de colère, car nombre de ses amis avaient eu à souffrir des exactions elfiques. Elle leva le poing dans la direction du camp ennemi.
- « Maudits soient ces elfes sans parole et sans honneur! Leur fourberie n’a d’égale que leur lâcheté, de leur bouche ne sortent que fiel et mensonges, leurs yeux fuyant se dérobent lorsqu’on les regarde, et… »
- « … et leurs longues oreilles sont d’un ridicule absolu. »
La jeune femme se retourna pour voir son bien-aimé qui venait de la rejoindre sur le chemin de ronde ; à sa vue, une petite partie de sa rancune se calma. Stouf était comme ça : un simple mot, une parole, et il arrivait toujours à arracher un sourire à sa jeune épouse.
Mais aujourd’hui, la situation ne donnait pas envie de rire à Syhl.
Quelques temps auparavant la jeune femme avait palabré avec des représentants sylves, qui avaient assuré vouloir affronter les BITT une bonne fois pour toute, seul à seul, se targuant de n’avoir besoin de l’aide de personne pour donner une leçon mémorable à un si petit clan qu’étaient les BITT à leurs yeux.
Ravis de pouvoir enfin montrer aux sylves leur vraie puissance, les BITT avaient surveillé du coin de l’œil l’installation des Sylves à proximité de leurs terres, conscient qu’un combat dans les règles de l’honneur ne pourrait se dérouler si l’ensemble des forces sylves n’était pas arrivé sur le front… attaquer d’entrée les premiers arrivants aurait permis aux Sylves de salir avec raison le nom des BITT, irrespectueux de leur parole.
Les BITT avaient donc laissé l’ennemi se mettre en place, décidant (pour une fois) de prendre en considération la parole des Sylves.
Mais c’était sans compter la fourberie naturelle de leur race. Lorsque les premiers coups de cors retentirent, les BITT stupéfaits virent arriver les troupes sylves accompagnées des Empereurs et de quelques Klones… Rapidement, la colère, puis la rage avaient éclaté dans les rangs BITT... Décidément, on avait beau leur donner une chance, les sylves étaient incapables de la saisir et ne faisait rien pour dissimuler leur nature fourbe et leur lâcheté innée…
Le jeune Seigneur, après avoir rejoint son épouse au sommet du donjon, l’enserra dans ses bras, et, posant la tête sur ses blanches épaules, continua, les yeux fixés lui aussi vers l’horizon :
- « Mon aimée… ne te mets pas dans des états pareils. Ces êtres vils ne le méritent vraiment pas, et c’est eux-mêmes qui viennent d’en fournir la preuve par leurs actes et leurs paroles mensongères. » - « Comment peuvent-ils espérer nous vaincre ? Nous atteindre ? Quand bien même nous tomberions, ces maudits elfes ne pourraient se targuer que d’avoir asservi un tas de pierres ! Même si notre château disparaît, le clan continuera, car chacun porte en lui une partie du nom des Born In The Teardrop… A quoi pensent-t-ils en nous assiégeant de la sorte ? Que sans demeure, nous serons plus vulnérables ?? Bien au contraire ! Quoi de plus dangereux qu’une meute errante, aux déplacements imprévisibles, prête à frapper vite et en silence ? »
- « Bien dit, mon amour… nous sommes les Enfants des Ténèbres, nous sommes les Fils de Jestanph, nous portons Sa marque… Les Ombres nous entourent et nous dérobent au regard de l’ennemi. Nous n’avons pas à craindre de devenir nomades ! Depuis longtemps mon cœur était tenté par l’aventure… Ces Sylves maudits ne feront que nous libérer de nos chaînes ! »
A ce moment là, un officier arriva essoufflé sur le chemin de ronde, porteur d’un message : les troupes ennemies étaient aux portes du donjon.
Les deux amants se regardèrent, eurent en même temps un sourire carnassier et sortirent leurs armes. La moisson nocturne promettait d’être riche.
D’ici le matin, bien du sang sylve aurait coulé, alimentant directement l’autel de Jestanph…
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