Au commencement, il y avait tout.
Oui, tout existait. Je ne sais pas depuis quand, je ne sais pas par quel coup du sort, et d'ailleurs je ne m'en suis jamais réellement occupé. Qu'importe, puisque tout est déjà là pour mon plaisir?
Oui, je prends du plaisir à vous voir naître, vivre, vous débattre pour arriver à devenir quelqu'un, puis finalement mourir. Car c'est bien de vous que je parle, c'est bien de ce monde, c'est de ces terres que vous appelez Lorndor dont il s'agit!
Au commencement, il y avait tout... ou presque. Il manquait ce que vous appelleriez aujourd'hui "l'esprit, l'âme", cet Ether qui fait de vous des êtres conscients d'exister. Alors j'ai choisi ce que je pensais être les meilleures des créatures, et je leur ai insufflé suffisament d'Ether pour leur donner la volonté de vivre, et je leur ai donné tout pouvoir sur les choses inconscientes.
J'ai choisi, pour servir mes desseins, sept races. Sept races, destinées à dominer le monde. Et je leur ai donné à chacune une qualité maîtresse, ainsi qu'un défaut majeur.
Les Elfes étaient les plus nombreux. Je leur ai fait don de la noblesse, et de l'arrogance la plus acerbe.
Aux Humains, j'ai donné un esprit plus libre que la plupart des autres races, les rendant ainsi corruptibles.
Aux Taurens, l'endurance et la placidité abêtissante ont été données.
J'ai endurci les Nains, qui sont maintenant les plus robustes des combattants, mais aussi les plus prompts à la folie.
Les Orcs ont reçu la force brute, et la lenteur de l'esprit.
Les Trolls sont les plus redoutables des combattants, et les plus stupides.
Enfin, j'ai appris aux Gnômes à inventer des machines redoutables pour compenser leur taille ridicule.
Lorsque les premiers êtres pensants sont morts, j'ai décidé de les rassembler en une nouvelle race, destiner à supplanter les sept autres: la race des Morts.
J'entends de par le monde diverses appellations pour les qualifier: Morts-Vivants, Non-Morts... Les vivants m'amuseront toujours beaucoup. Si quelque chose est animé, ce quelque chose ne peut pas être tout simplement mort, n'est-ce pas? Eh bien si! Que savez-vous de la mort? Qui a dit qu'être mort empêchait de se mouvoir, de parler, de penser?
Ces êtres-là sont morts, et même certains d'entre eux le refusent.
Puis j'ai regardé mon oeuvre. J'étais curieux de savoir ce que huit races différentes, mais portant toutes en leur coeur le même idéal de puissance et la même soif de survie, pourraient faire. Tenteraient-elles de se détruire? L'Ether en eux serait-il suffisament puissant pour les pousser à rester en paix, seul véritable gage de survie?
Heureusement, la guerre éclata assez tôt. Et plusieurs choses curieuses se passèrent alors.
Ce furent les Elfes, évidemment, qui frappèrent les premiers, sûrs de l'emporter. Ce fut là leur plus grande erreur, et la cause de leur déclin, que je n'attendais pas si tôt.
Me suis-je trompé en insufflant l'Ether à certaines races? Pour les Taurens, assurément. Car, au lieu de se comporter en troupeau pacifiste comme je l'avais prévu, ils réagirent violemment. Ils rallièrent à eux les Orcs et les Trolls, et formèrent la première grande alliance de ce monde.
Face à la déferlante, les Elfes, les Humains et les Nains firent barrage. Ce fut l'origine du clivage qui divise le Lorndor depuis des lustres, et qui durera encore longtemps...
Au fur et à mesure que la conscience naissait dans l'Ether diffus que j'avais semé en chacun, des clans se formèrent, des alliances de plus en plus élaborées, et la terre se couvrit de monticules de pierre censés défendre une armée. Les deux grandes factions s'appelaient maintenant la Horde et l'Alliance.
Les armées, préparées depuis trop longtemps pour la même guerre, finirent par se rencontrer. Je pus assister à une série de batailles sanglantes; la furie de mes créatures semblait ne plus connaître de limites.
Puis, tout cela cessa d'un coup. Conscientes de leur péril, les différentes races avaient décidé de négocier la paix...
Alors, pour la première fois depuis l'apparition de l'Ether, j'intervins dans les affaires du Lorndor. Le monde fut refaçonné de telle manière que plus jamais il ne connaisse la paix. Je dois avouer que ce fut une réussite, car la guerre recommença, et jusqu'à aujourd'hui les combats n'ont jamais cessé. Ils ne cesseront jamais.
J'entends souvent certains appeler leurs dieux. J'avais trouvé plaisant, en faisant don de l'Ether aux huit races élues, de les affubler chacune d'un dieu chargé de veiller sur elles. Je me suis même amusé à apparaître de temps à autre sous la forme présumée de l'un d'entre eux...
Parfois, certains vont même jusqu'à invoquer le nom d'un dieu inconnu. Jah (et maintenant Jahael), Lloth, Manwë, ou même un certain Dark Mogwaï... J'en oublie sans doute.
Vous autres mortels, vous vous posez trop de questions.
Est-ce que je m'en pose, moi? Je ne sais pas comment je suis arrivé, d'où je viens, qui m'a créé, ni même si quelqu'un m'a créé. Je ne sais pas d'où vient ce monde, ni où il va, et encore moins pourquoi il était là quand je suis arrivé. Tout ce que je sais, c'est qu'on m'a offert un monde, un monde à diriger.
Je vous ai fait pour mon plaisir. Et si je m'adresse à vous aujourd'hui, c'est pour que vous sachiez (enfin!) pourquoi vous vous battez, pourquoi vous espérez, pourquoi vous aimez, et pourquoi vous mourez.
Mais il y a une chose que vous ne saurez jamais, une chose que moi-même j'ignore...
Qui suis-je?
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